mardi 31 mars 2015

McLUHAN RELOADED Les jeux vidéo ne sont pas la transe mais l'éveil.



Les jeux vidéo sont souvent présentés comme des expériences étranges voire dangereuses au cours desquelles une personne se coupe de la réalité pour s’immerger dans un environnement synthétiques Cette conception inverse totalement les données de la question. Les jeux vidéo ne sont pas une la transe mais l’éveil. Ils nous permettent de sortir de la torpeur narcissique dans laquelle nous sommes plongés depuis l’invention de l’imprimerie

Dans la Galaxie Gutemberg, Marschall McLuhan montre comment l’invention de l’imprimerie a eu un impact profond sur la pensée de l’homme occidental. Nous n’en sommes plus conscients parce que nous sommes nés et nous avons été éduqués dans une culture du livre. L’imprimerie a mis fin à une culture orale plusieurs fois millénaire. La page a profondément imprimé dans les esprits un espace visuel analytique et quantitatif. Elle mis de côté l’espace acoustique de l’homme primitif et son monde basé sur la simultanéité, l’émotion, et la sensibilité. Pour McLuhan, “toutes les inventions ou technologies sont des prolongements ou auto-amputations de nos corps; et des prolongements comme ceux la nécessitent l’établssement de nouveaux rapports ou d’un nouvel équilibre  des autres organes et des autres prolongement du corps” ( Pour Comprendre les Média pp. 64-65). L’imprimerie continue le travail de fragmentation et d’individualisation commencé avec l’alphabet phonétique. Le livre nous a plongé dans un transe ou une narcose dont les jeux vidéo nous sortent peu à peu. Les coups de feu, les bruitages, les les appuis frénétiques sur la souris ou les effleurements sur la tablette réintroduisent les dimensions tactiles et sonores que le texte avait refoulé.

Les mondes numériques en général et les jeux vidéo en particulier ne sont pas un adieu au corps. Au contraire, ils permettent de retrouver la dimension sensorielle que le texte avait mis de côté. Les objets numériques sont des média froids qui appellent une haute participation. Il a par exemple été estimé qu’’un possesseur de smartphone touche plus d’une centaine de fois par jour son téléphone. Cela signifie que nous touchons plus souvent ces objets que nos proches. Le numérique a un pouvoir attracteur au moins aussi fort que la chair. Cela se vérifie également avec les jeux vidéo qui sont tout d’abord des espaces d’interaction. Le joueur manipule des règles qui lui sont présentées sous la forme d’images. Il interagit avec d’autres joueurs dans l’espace du jeu en collaborant ou en étant en compétition avec eux. L’interaction se prolonge aux frontières du jeu dans les discussions sur les forums. Les sociabilités syncrétiques de l’espace acoustique se retrouvent dans les guildes et les clans formés dans les jeux vidéo. Enfin, les jeux vidéo mettent au contact avec les images archétypiques du Guerrier, du Roi, du Prince, de la Mère, du Père, de l’Enfant, du Chasseur ...


De la même façon que l'imprimerie continue le processus de démantèlement commencé avec l'alphabet phonétique, les mondes numériques poursuivent le processus de retribalisaton commencé avec l’électricité.

mercredi 25 mars 2015

Les jeux vidéo sont liés à une augmentation du QI





Confronté a une image de joueurs de jeux vidéo à une LAN party à l’émission Philosophie sur la chaine de télévision Arte, le philosophe Colas Duclo a ce cri du coeur “ils ont des têtes d’abrutis”. Pourtant, la pratique du jeu vidéo pourrait être liée a l’élévation du QI notée par les psychologues.

On appelle “effet Flynn” le fait que le QI des américains augmente depuis le début du 20e siècle. Cette augmentation est constante, et s’accélère dans la seconde moitié du 20e siècle. Elle concerne spécifiquement les résultats aux épreuves non-verbales des tests de QI. Les résultats aux épreuves verbales ont au contraire tendance à diminuer. L’augmentation est importante puisqu’elle est d’au moins 21 points entre 1918 et 1989 et qu’elle est d’un demi point entre 1972 et 1989. Cela signifie qu’un nombre important de personne a glissé de la normalité à la précocité intellectuelle. Cette augmentation n’est pas limitée aux USA car elle a été constatée dans d’autres pays occidentaux. 

Plusieurs facteurs ont été avancés pour rendre compte de cette évolution aux résultats aux tests. Tout au long du 20e siècle, les société occidentales ont connu de grands progrès dans les domaines de l’éducation, de la santé, et des conditions de vie. Il est très probable que ces facteurs pèsent positivement dans les résultats aux test de QI. L’évolution la plus marquante est celle du développement des média. Depuis 1900, chaque génération a vu s’installer un média de masse : le télégraphe, le téléphone, le cinéma, la télévision, l’internet et la téléphonie mobile se sont successivement imposés. Comment ces technologies interagissent avec l’effet Flynn ? C’est cette question que Patricia Greenfield a exploré en s’appuyant sur l’utilisation de plus en plus grande des technologies de l’image. Elle remarque que l’accélération de l’augmentation du QI correspond au développement de l’industrie des jeux vidéo. Partant de ce constat elle fait l’hypothèse que les jeux vidéo jouent un rôle dans le développement des compétences cognitives. Depuis les années 20 les représentations graphiques tridimentionnelles utilisées par les média ont une importance croissance. Greenfield s’appuie sur des données expérimentales pour mettre en évidence l’effet des représentations 3D qui caractérisent notre environnement technologique sur les processus mentaux. Les modes externes de représentation entraînent le développement de modes internes qui eux-même correspondent à des représentations requises pour leur traitement

Patricia Greenfield note une corrélation positive entre l’expertise de la personne dans le jeu vidéo L’Empire contre-attaque et les performances aux tests de pliage mental d’une feuille de papier (Greefield, Brannon, et Lorh, 1994, 1995). Par contre, la pratique relativement brêve de ce jeu n’a pas d’incidence d’incidence sur le pliage mental du papier. Les épreuves de pliage sont similaires aux épreuves non-verbales des tests de QI. Il est donc probable que les résultats à ces épreuves soient également augmentées par la pratique des jeux vidéo. 

L’effet des jeux vidéo sur les résultats aux tests de QI a été démontrée expérimentalement par Okagaki et Frensh (1994, 1996) avec le jeu vidéo Tétris. Six heures de pratique de Tétris suffisent à améliorer les performances a des test papier crayons qui sont semblables aux tests des épreuves non verbales des QI . L’épreuve Cube que l’on trouve dans de nombreux tests de QI  (Wisc, Binet Simon) mettent en jeu des compétences d'assemblage de puzzle qui sont proches de celles qui sont améliorées par Tétris. . La manipulation dans l’espace de pièces de puzzle sur un écran d’ordinateur requiert et développe à la fois des modes internes de représentation dans l’espace que l’on peut appliquer aux tests papier-crayons

La popularité des jeux vidéo est aujourd'hui telle qu’il est estimé qu’un enfant en classe de seconde a passé plus de temps devant un vidéo que devant un professeur. Les aptitudes de représentations mentales qui sont développées pendant ces longues heures de jeu sont également celles qui sont classiquement évaluées dans les épreuves non verbales des jeux vidéo. De ce fait, les jeux vidéo contribuent a augmenter les scores à ces épreuves.

Greenfield a fait une autre observation intéressante. Dans une expérience, des étudiants jouent au jeu Memory sur ordinateur et sur table. Il leur est ensuite montré un court film expliquant le fonctionnement d’un système électrique. Ils dans un troisième temps expliquer a un expérimentateur ce qu’ils viennent de voir. Ils ont a portée de main du papier et un crayon. Les joueurs “jeu vidéo” ont tendance a s’appuyer davantage sur des représentations imagées et l’expression non-verbales que ceux qui ont joué avec des cartes Greenfield et al 1994/1996). Cela montre que le jeu vidéo pousse les joueurs à utiliser davantage les représentations par l’image que les représentations verbales.

Ces changements ne concernent pas uniquement les jeux vidéo. Il a été montré que la télévision, parce qu’elle montre un même espace selon des plans différents, augmente la capacité a manipuler des images. En effet, le téléspectateur doit reconstruire mentalement l’espace a partir des points de vue des protagoniste. Cette reconstruction concerne non seulement les plans mais aussi les narrations. L’attitude du téléspecteur devant son poste de télévision a considérablement changé parce qu’il ne voit plus la même chose . Les premières séries TV étaient organisées simplement. Le téléspectateur découvrait pour chaque épisode une histoire qui étaient déroulée selon un plan immuable : une ouverture, un développement et une conclusion. Les séries actuelles sont autrement plus complexes puisque dans un même épisode, plusieurs fils narratifs se croisent. Elles comportent plus de personnages, plus de lieux et plus d’intrigues que les séries développées dans les années 60-80. 

Les jeux vidéo sont cependant un média particulier. Il ne s'agit plus de lire des images comme avec la télévision et le cinéma. Avec le jeu vidéo, le joueur est à la fois face à une histoire et un ensemble de manipulations a faire. Les histoires des jeux vidéo ont suivi la même évolution que celles de la télévision. Elles ne sont plus une histoire simple avec un début, un milieu et une fin. Elles prolongent l’histoire d’un univers, constituent de longues saga (Metal Gear Solid) ou encore multiplient les points de vue des personnages (The Walking Dead). Ces histoires nécessitent la manipulation d’images et souvent l’immersion dans un espace 3D. Ces deux caractéristiques, narratives et interactives, sont en lien avec le développement de compétences qui améliorent les résultats aux tests non verbaux de QI.


Les jeux vidéo contribuent à augmenter les scores aux échelles de QI parce qu'ils sollicitent et entraînent des compétences qui sont également celles qui sont testées dans les épreuves non verbales des tests d'efficience intellectuelles. Ces compétences concernent uniquement la manipulation des images tridimensionnelles sollicité. Les résultats aux épreuves verbales ne sont pas concernés, sans doute parce que les jeux vidéo sont des média essentiellement visuels. 




dimanche 22 mars 2015

Peut-on se préparer au djihad en jouant à Call of Duty [SPOILER] Oui.


Les  pires adversaires des jeux vidéo sont ils ses amis ? C’est une question que l’on peut se poser en lisant les réactions exaspérées des gamers à une phrase prêtée au criminologue Alain Bauer

La phrase qui suscite l’indignation des gamers est celle-ci : “les jeunes qui vont faire le Djihad se sont entraînés sur Call of Duty”. Il est alors souvent objecté que jouer a Zelda ne transforme pas le joueur en archer émérite ou que Formula One Grand Prix ne transforme pas en pilote de Formule 1

Le raisonnement est celui-ci : ce qui est vécu dans le "cercle magique" du jeu reste dans le jeu. L’univers de la réalité et celui du jeu sont deux univers étanches l’un à l’autre. Ce qui est appris dans un univers est donc inutile dans l’autre.

Tout cela est inexact.

Cela fait maintenant plus de vingt ans que la recherche a montré que les jeux vidéo sont des média très efficace pour  les apprentissages. Par exemple, des chirurgiens sont plus compétents lorsqu’ils jouent au jeux vidéo. Ceux qui jouent au moins 3 heures par semaine sont 27% plus rapides et font 37% moins d’erreurs  que leurs collègues  (Jr, Lynch, & Cuddihy, 2007). D’autres études ont montré que les jeux vidéo peuvent etre servir de terrains d’entrainement pour des pilotes (Gopher, 1993)

Les apprentissages à l’intérieur d’un jeu peuvent être multiples et de direction opposée. Jouer à un FPS comme Call of Duty peut avoir des effets négatif sur les performances scolaires si l’adolescent néglige son travail au profit du jeu. Les pensées et les comportements agressifs peuvent également être augmentés sur une courte durée. Le contexte de jeu est aussi important. Les modes Capture The Flag ou Free For All n’ont pas les même effets. Dans le premier mode, une équipe doit capturer le drapeau de l’équipe adverse tout en protégeant le sien tandis. Ce mode provoque moins d’émotions agressives que celui ou l’on joue “chacun pour soi”  Les jeux vidéo qui encouragent le jeu en équipe et le travail en coopération encouragent la collaboration (Hämäläinen & Manninen, 2006; Hämäläinen, Oksanen, & Häkkinen, 2008) Les compétences visuo-attentionnelles (poursuite visuelle de plusieurs objets, discrimination des niveaux de gris, manipulation d’’images mentales) vont être améliorées par le temps passé dans le jeu vidéo. de la même façon que jouer avec un volant et des pédales augmente les compétences en conduite, jouer avec un pistolet augmente les compétences en tir.

Il faut donc bien prendre conscience que jouer a un jeu vidéo a des effets. Après tout, cela est bien compréhensible. Pourquoi jouerions nous si le jeu vidéo ne nous apportait pas des émotions fortes ? Pourquoi passerions nous tant de temps dans un jeu à répéter les même actions si nos compétences ne progressaient pas ?

La question n’est pas de savoir si les joueurs apprennent ou n’apprennent pas quelque chose dans les jeux vidéo. Les joueurs apprennent nécessairement parce que chacun tire à chaque moment des enseignements de l’expérience vécue. La question est plus de savoir ce que chacun fait de ses apprentissages. Apprendre le nom des armes dans un jeu vidéo, se familiariser avec les tactiques de combat d’un groupe d’infanterie ou améliorer ses compétences de tir ne signifie pas que ces apprentissages doivent aller au-delà du cercle du jeu. L’une des portes qui permet le passage du monde du jeu au monde du non-jeu est la moralité. Il peut être moral, juste ou nécessaire de tuer des otages dans un jeu vidéo. En aucun cas, ces règles ne peuvent s’appliquer au monde de la réalité. Lorsque cette limite est levée, lorsque quelqu’un se croit autorisé à tuer, lorsque l’interdit de meurtre ne fonctionne plus, alors les jeux vidéo sont un élément dans une série de facteurs qui prédisposent, déclenchent et maintiennent la violence pour une personne.