mardi 23 août 2016

Comment élever un digiborigène heureux ?


Alors que les écrans deviennent de plus en plus nombreux et de plus en plus présents dans nos vies, les enfants passent de plus en plus de temps à se divertir et s’informer en leur compagnie. Pour beaucoup de parents, cette situation est un facteur de stress car les jeux vidéo sont présentés de manières contrastées. Pour les uns, ils sont préjudiciables au développement de l’enfant parce qu’ils nuisent à son attention ou qu’ils favorisent les comportements inadaptés. Pour les autres, les jeux vidéo sont des moteurs du développement des enfants en leur permettant de faire des apprentissages cognitifs, sociaux et émotionnels.


Que les écrans soient des éléments favorables ou défavorables au développement des enfants dépend en premier lieu des parents. Ce sont en effet eux qui mettent les jeux vidéo au devant des enfants. Ce sont eux qui organisent l’expérience de jeu de l’enfant. J’ai classé les conseils en fonction de trois périodes de la vie des enfants. Comme tout découpage, celui ci comporte une part d’arbitraire. J’ai choisi les périodes 3-6 ans, 7-12 ans et 13 ans et plus parce qu’elles correspondent grosso modo à la maternelle, au primaire et à l’adolescence. Il n’y a pas de conseil pour les enfants de moins de trois ans pour plusieurs raisons. A cette période, le meilleur jeu vidéo, ce sont les parents. Dans ce moment de développement, les enfants ont un besoin vital (ce n’est pas une image) d’interactions avec un être humain attentif à leurs besoins. Dans ce contexte, les jeux vidéo n’ont aucun intérêt. 


Pour tous les enfants et pour tous les ages, le rôle des parents est déterminant. Ce sont eux qui par leur intérêt et leurs questions peuvent amener l’enfant à comprendre véritablement son expérience. Partager l’expérience vidéo-ludique avec l’enfant est la voie royale. Elle permet au parent de saisir les difficultés auxquelles l’enfant est confronté puis de lui donner les moyens de les résoudre. Plus l’enfant est petit, plus il a besoin de l’assistance des parents. Aucun enfant ne sait jouer aux jeux vidéo à trois ans même s’il peut en donner l’illusion en poussant quelques boutons au bon moment. A six ans, la maîtrise de lecture est une difficulté insurmontable dans certains jeux qui peut être surmontée grâce à l’aide d’un parent. L’enfant fera ainsi un apprentissage qui pourra être utile toute une vie : il n’est pas de difficulté qui ne puisse être surmontée avec l’aide d’un autre. Bien sûr, les exigences du quotidien peuvent rendre difficile ce temps partagé. S’il n’est pas toujours possible de jouer avec, il est toujours possible de parler de ce que l’enfant fait et vit avec les jeux vidéo. Les parents demandent bien à leur enfant comment le match de foot s’est passé, pourquoi ne le feraient ils pas avec les jeux vidéo ?


  • ENTRE 3 et 6 ANS
Entre trois et six ans, les enfants font beaucoup d’acquisitions cognitives. Les enfants les plus jeunes seront intéressés par les images et les couleurs vives des personnages. Ils ont tendance à porter davantage attention aux personnages féminins et aux personnages en mouvements. Lorsqu’ils sont plus grands, il leur est plus facile de se dégager de l’impression immédiate du jeu. Ils peuvent alors tenir compte de l’histoire de chaque personnages. Ils sont aussi plus autonomes dans les jeux parce qu’ils maîtrisent mieux le contrôleur et commencent à lire les instructions sur l’écran. 

Interrogez votre enfant sur les jeux qu’il affectionne. Qu’est ce qu’il doit faire ? A-t-il réussi à faire ce qu’il avait en tête ? Pourquoi le jeu est il fun ? A-t-il besoin d’aide ? Ces questions sont importantes parce que c’est en parlant de nos expériences que nous en devenons conscient. 

Demandez à votre enfant ce qu’il a découvert dans le jeu ou dans un nouveau niveau. Les jeux vidéo proposent de nouvelles expériences au travers de nouvelles capacités de personnages ou de nouveaux objets. Il n’est pas sur que votre enfant ait repéré toutes les possibilités offertes par le jeu 


Privilégiez les jeux ou l’enfant s’amuse. La recherche n’a pas identifié de “bons” jeux vidéo qui faciliterait les apprentissages scolaires. Par contre, il y a des éléments de preuves sur le fait que ces apprentissages se font lorsque l’enfant joue. La priorité doit donc être donnée au jeu 

Connaissez le système PEGI. L’industrie du jeu vidéo a mis en place un système de recommandation qui permet à l’acheteur potentiel d’avoir une idée du contenu du jeu. Le système PEGI permet d’éviter que les enfants soient confrontés à des contenus non appropriés à leur age 


Définissez vos propres règles. PEGI n’est pas un parent. Les enfants sont élevès par des parents qui leur transmettent des normes et des valeurs. Même si vous vous faites aider par des sites, des revues, ou le classement du jeu, c’est finalement vous, le parent, qui décidez des jeux vidéo qui sont adaptés à votre enfant. 





  • ENTRE EN 7 et 12 ans 

Pendant la préadolescence, le temps passé jouer aux jeux vidéo augmente régulièrement. Le jeu vidéo devient ainsi petit à petit leur principale activité de loisir. La situation des pré-adolecents est différente de celle des jeunes enfants. Ils ont acquis la dextérité qui leur permet de jouer seuls aux jeux vidéo. Ils connaissent la grammaire de base des gestes à effectuer dans les différents jeux. Ils commencent à avoir une culture vidéoludique qui leur permet de déclarer ce qui est bon et ce qui est mauvais à jouer. Cette culture du bon gout s’étend aux comportements dans le jeu. Leur développement cognitif leur permet de jouer à des jeux plus complexe dans lesquels il est nécessaire d’anticiper et de construire des stratégies.


Discutez avec votre enfant des jeux qu’il affectionne. Quels sont ses personnages préférés ? Quelle est leur histoire ? Se sent il proche d’un personnage en particuier ? Que cherche-t-il dans les jeux vidéo ? Aime-t-il les personnages puissants ? Ou préfère-t-il les rêveries que proposent les mondes vidéo ludique ? Certains enfants aiment les jeux vidéo parce qu’ils leur permettent de jouer avec d’autres enfants 


Connaissez les jeux auxquels votre enfant joue a la maison et chez les amis. Les jeux vidéo sont partout. Les enfants jouent chez eux mais aussi chez leurs amis. Il peut arriver qu’un enfant joue chez un ami un jeu qui est 


Discutez des stéréotypes des jeux vidéo. Les jeux vidéo sont pleins de raccourcis qui permettent de planter rapidement le décor d’une histoire. Par exemple, les filles y sont généralement belles et dévêtues tandis que les garçons sont actifs, musclés et puissamment armés. En soi les stéréotypes ne sont pas un problème tant que l’enfant est capable de les reconnaitre pour ce qu’ils sont. 


Aidez votre enfant à organiser son temps de jeu. A quelle heure l’enfant a t il prévu d’arrêter de jouer ? A quelle heure a-t-il effectivement arrêté de jouer ? Pourquoi a-t-il réussi ? Pourquoi a-t-il échoué ? L’important n’est pas que l’enfant arrête de jouer mais que petit à petit il maîtrise le sens du temps et qu’il construire les outils de raisonnement qui lui permettront d’évaluer raisonnablement son comportement. 


Intéressez-vous aux aspects sociaux du jeu. Les communautés de joueurs permettent de construire et partager des rites et des connaissances. Dans les parties, certains comportements sont attendus des joueurs en fonction du personnage qu’ils utilisent. Il est aussi attendu que chaque joueur sache le rôle qu’il doit jouer pendant la partie. Les messages sur les forums et les vidéo sur YouTube permettent aux joueurs de se former aux différents aspects du jeux. La vie sociale peut aussi apporter son lot de problèmes car certains joueurs ont des comportements inappropriés. Ouvrir la conversation sur ces aspects permet d’intervenir si l’enfant a besoin d’être aidé. 


Discutez de la fabrication des jeux vidéo. Connaître le processus de fabrication des jeux vidéo permet de mieux comprendre le travail et la créativité nécessaires à leur création. Cela peut aussi amener l’enfant à jouer avec des outils de programmation, des logiciels de retouche d’image ou de son ce qui le familiarisera avec les outils de base des mondes numériques. 


Discutez de la publicité. Quels sont les images que la publicité utilise pour donner envie d’acheter le jeu ? Le jeu comporte-t-il des publicités cachées ? Lorsque que le jeu met en avant des marques, pointez le placement produit. Evitez le jugement moral, mais montrez juste comment le marketting tente de nous influencer. 


Discutez de la violence. La violence est elle le seul moyen dont dispose le personnage pour résoudre le problème auquel il est confronté ? Dans quelles circonstances est ce que la violence est justifiée ? Inventez de nouvelles règles pour jouer avec la violence. Par exemple, dans World of Warcraft, un joueur est allé jusqu’au niveau 90 sans blesser la moindre créature. 



ENTRE 13 ans et plus

Le principal challenge au moment de l’adolescence est la constitution d’une identité stable et cohérente. Chez les adolescents cela se traduit par l’affirmation des goûts personnels, la préférence données aux relations extra-familiales et l’adhésion aux normes et codes de la culture adolescente. Si les jeux vidéo sont prisés par les jeunes adolescents, les plus vieux commencent à leur préférer les discussions sur Internet et les rencontres en face à face. Le réseau n’est pas un obstacle à ces relations intimes et amoureuses. Sur le plan cognitif les adolescents atteignent leur plein potentiel. Ils deviennent capables de raisonnements abstraits, de prendre le point de vue d’un tiers, de faire 



Discutez des jeux que votre enfant affectionne. Les jeux attirent les joueurs pour plusieurs raisons. Certains y trouvent des occasion de satisfaire leurs besoins de réalisation, d’autres de lien sociaux tandis que d’autres encore affectionnent les relations sociales qu’ils apportent. Qu’est ce qui attire votre enfant ? Veut-il être le meilleur ? Veut il s’évader ? Ou passer du bon temps avec des amis ? Arrive-t-il à satisfaire ces besoins dans et en dehors des jeux vidéo ? A t-il une bonne évaluation de ce que les jeux vidéo lui apportent ? Les jeux vidéo sont ils uniques ou peut il satisfaire ces besoins psychologiques par d’autres moyens ? 


Discutez des nouveaux jeux découverts par votre enfant. Les parents ont souvent en tête les titres que le marketting de masse réussi à imposer mais la production des jeux vidéo est aussi diverse que celle du cinéma ou de la littérature. A coté des blockbuster, il y a des jeux fait pas de petites équipes qui peuvent être formidables à jouer. Jouer uniquement les grosses productions c’est comme se contenter de lire les gros titres de la première page d’un journal. Si votre enfant est dans ce cas, il est important de lui faire découvrir les autres aspects des jeux vidéo. 


Discutez des images et des thématiques problématiques. Comme tous les média, les jeux vidéo transportent des idéologies. Pourquoi dans les First Person Shooter, l’arabe est l’ennemi à abattre depuis une dizaine d’années. Pourquoi les stéréotypes de genre sont la règle dans les grosses productions. Les joueurs rencontrent aussi dans leurs parties des dilemmnes moraux qu’il est utile de discuter. Par exemple, dans Spec Ops, le joueur doit inflitrer un groupe de terroristes. Lors d’une prise d’otage, il peut être amené à tuer des civils. Doit-il le faire ? La discussion est ici plus importante que la réponse qui par ailleurs n’est pas facile. Avec un adolescent il est possible de demander à ce que les avis donnés soient étayés par des faits pour l’amener à faire usage de la pensée critique. 


Discutez des mécaniques de monétisation. De nombreux jeux vidéo disposent d’une boutique dans laquelle il est possible d’acheter des objets virtuels. Il peut s’agit d’une monture avec laquelle le joueur va parader dans le jeu vidéo ou d’une monnaie virtuelle qui permet d’acheter des objets dans le jeu. Comment est ce que les game designers nous amènent à mettre la main au portefeuille ? Ces objets achetés augmentent ils l’expérience du jeu ? Est ce équitable par rapport aux autres joueurs d’acheter ces objets ? 


Discutez des relations en ligne. En ligne, les personnes donnent à voir le meilleur et le pire. Certains joueurs n’hésitent pas à passer plusieurs heures de leur temps pour assister des novices. D’autres passent leur temps à tenter de gacher le temps de jeu des autres. Généralement, les adolescents en ligne avec des personnes qu’ils connaissent hors ligne. Interrogez votre enfant sur son expérience sociale en ligne. 


Faites des liens entre les jeux vidéo et les autres objets de la culture. Les jeux vidéo ne tombent pas du ciel. Les créateurs des jeux vidéo sont influencés par les jeux auxquels ils ont joué, leurs lectures, ou encore les films qu’ils affectionnent. Votre enfant aime les First Person Shooter ? Faites lui lire du Tom Clancy et jouez à reconnaitres les points communs entre le dernier film d’action et les jeux vidéo. Il ne jure que par FIFA ? Donnez lui des documentaires sur le foot. Il passe son temps à conquérir le monde dans Civilisation ? Discutez des représentations des différentes nations dans le jeu. Sont elles un reflet de la réalité ? Y a t-il des biais ?



A 3, 7 ou 13 ans, le point central est bien évidement de discuter des pratiques vidéoludique avec l'enfant car hier comme aujourd'hui les enfants doivent être introduits à la culture par ceux qui les précèdent. 

dimanche 21 août 2016

Avoir un comportement moral dans un jeu vidéo ne vous rendra pas nécessairement meilleur



Parce que leurs personnages effectuent des actions violentes et immorales, les jeux vidéo sont objets d'inquiétudes et de polémiques. La panique qui accompagne  Grand Theft Auto est un cas d’école puisque le joueur y incarne des gangsters qui commettent les actions les plus violentes. Comment de tels exemples affectent les comportements des joueurs ? Beaucoup de recherches ont montré que les jeux vidéo violents ont un effet sur les pensées, les émotions et les comportements des joueurs. ELLITHORPE et al. se sont intéressés à un autre aspect de la question : comment est ce que les conceptions morales du joueur influencent ses comportements dans le jeu et après le jeu ?

Deux grands systèmes président à nos actions morales. La justesse ou la moralité des actions est jugées au regard de leur conformité à une règle universelle. Ce qui rend l’action bonne ou juste, c’est sa conformité à une règle universelle.. A ce système déontologique est souvent opposé une conception utilitariste de la morale. Dans cette perspective, la personne agit de telle sorte que le résultat prévisible produise le maximum de “bien” et le minimum de “mal”

Les actions déontologiques sont généralement perçues comme plus morales que les actions utilitaristes. Cela se vérifie aussi dans ce passage de Mass Effect comme le montre la recherhe de ELLITHORPE et de ses collègues. Les joueurs adoptent l’attitude déontologique en choisissant de sauver David. Ce premier résultat de recherche est conforme à une autre recherche qui montre que les joueurs ont tendance à éviter les actions immorales en se comportant comme des héros sans peurs mais surtout sans reproches. ELLITHORPE apporte des éléments de réflexion supplémentaire sur ce qui se passe après le jeu. 


Parce que nous avons besoin de nous sentir cohérents, nos actions sont toujours en partie déterminée par les actions qui les ont précédées. Ainsi, une personne qui se comporter moralement aura tendance à adopter des comportements moraux dans ses actions ultérieures. Mais ce n’est pas toujours le cas. Dans l’étude l’ELLITHORPE, les joueurs qui ont eu un comportement moral sont aussi ceux qui ont tendance à être le plus agressif dans un jeu qui les oppose à un adversaire. 

Pour obtenir ce résultat, les chercheurs ont utilisé une séquence de jeu de Mass Effect 2. au cours de laquelle e joueur découvre que l’IA qui mène la guerre contre l’humanité est en fait un homme nommé David branché et maintenu sur le réseau par son frère contre sa volonté. Le joueur a le choix de sauver David mais dans ce cas, il compromet aussi l’effort de guerre. Il peut choisir cette option en laissant David branché au réseau malgré la souffrance que cela provoque manifestement. Le premier choix est déontologique puisque le joueur agit selon la règle morale qui veut qu’aucun homme ne doit être laissé dans la souffrance. Le second est utilitariste car dans cette perspective il laisser souffrir David est un mal pour un plus grand bien. 

Il est difficile de mesurer directement l’agression aussi les psychologues utilisent différents subterfuges dont celui de l’explosion sonore. Sous un prétexte quelconque, les participants à l’expérience peuvent soumettre un adversaire bruits blancs dont ils choisissent le niveau sonore. Plus le volume sonore est élevé, plus l’agression est grande. Dans l’expérience d’ELLITHORPE, les personnes doivent cliquer le plus rapidement possible lorsqu’elle voient apparaître un carré sur un écran. Le plus rapide gagne de l’argent et la possibilité de soumettre le perdant à un bruit blanc entre 60 et 105 décibels. La situation est manipulée par les chercheurs : les participants perdent toujours au premier essai et reçoivent de la part de leur adversaire le plus haut volume sonore. Ils gagnent toujours au second tour ce qui leur permet de soumettre leur adversaire à une situation désagréable. Les personnes qui ont eu le comportement “déontologique” dans le jeu vidéo sont aussi celles qui se montrent le plus agressive comme le montre l’utilisation d’un niveau sonore plus élevé. Les joueurs de l’éthique “utilitariste ont tendance à utiliser un niveau sonore plus faible

Comment expliquer ce qui apparaît comme un revirement ? Pourquoi ces joueurs ne conversent ils pas leur attitude morale ? Pour les chercheurs, la réponse se trouve justement dans l’attitude morale des joueurs. Ls joueurs “déontologiques” ont du mal à supporter l’agressivité de leur adversaire parce qu’il se vivent comme ayant la plus haute moralité. Ils ont donc tendance à punir durement ce qu’ils considère comme une injustice. 

Il est possible de tirer deux conclusions de cette recherche. La première est qu’avoir un comportement moral dans un jeu vidéo ne nous rend pas nécessairement meilleur. Pour tous ceux qui appellent à des jeux “responsables”, cela devrait être une indication forte. Les comportements moraux dans un jeu vidéo peuvent conduire à avoir un comportement encore plus agressif en réponse à des agressions supposées. La seconde est que tracer une ligne droite entre un jeu vidéo et un comportement est toujours une réduction qui fait l’économie des relations complexes qui doivent êtr prise en compte pour comprendre l’expérience vécue des jeux vidéo.








SOURCE

ELLITHORPE , Morgan E et al. "Moral license in video games: when being right can mean doing wrong." Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking 18.4 (2015): 203-207

lundi 8 août 2016

Les enfants et le temps passé avec les écrans : il faut développer un nouveau paradigme


Les experts prônent généralement aux parents de contrôler le temps d’écran des enfants à deux heures par jours et de les limiter aux enfants en bas âge. Ces recommandations sont celles que l’American Academy of Pediatric (APA) a formulé en 1999. A cette époque, les joueurs avaient le choix entre des titres comme Age of Empire, Sonic Adventure et Counter Strike. Le jeu sur portable faisait une percée avec le Gameboy tandis que les PS2 et Nintendo 64 occupaient trônaient dans les salons. L’internet concernait moins d’une famille sur trois et les ordinateurs étaient dans deux foyers sur trois. L’année précédente, le massacre de Columbine avait sensibilisé l’opinion américaine avec l’idée que la violence la plus extrême pouvait être liée aux jeux vidéo. Dans ce contexte, les recommandations de l’APA sont très restrictive. A cette époque, la recherche n’avais pas mis en évidence de bénéfices pour les enfants de moins de deux ans. A l’opposé, les preuves d’effets problématiques pour les enfants étaient bien documentés. 

Aujourd’hui, la situation est très différente différente. La recherche a mis en évidence que la prise en compte du temps passé auprès des écrans n’est pas le seul élément à prendre en compte. Un enfant qui passe 20 minutes seul avec un écran n’a pas la même expérience de jeu qu’un enfant qui passe 20 minutes avec un écran et un parent qui le stimule en commentant son jeu, s’émerveille de ses réussites et le console de ses échecs. Cette nouvelle donne a amené l’APA a modifier ses recommandations : “Dans un monde où le temps d’écran” est en passe de devenir simplement “le temps”, disent les pédiatres américains, nos recommandations doivent évoluer ou devenir inutiles”


Les nouvelles recommandations n’ont plus le ton alarmant anti-média des années 2000. 

  • Les média sont un environnement. Les enfants font avec les média ce qu’ils ont toujours fait. Comme tout environnement, les média peuvent avoir des effets positifs ou négatifs.
  • Le travail des parents n’a pas changé. Les même règles s’appliquent avec les enfants qu’ils soient dans des environnements réels ou virtuels. Jouez avec eux. Posez des limites (les enfants en ont besoin et les attendent). Apprenez leur la gentillesse. Impliquez vous. Connaissez leurs amis et sachez ou ils vont.
  • Votre exemple est crucial.Limitez votre utilisation des média et enseignez la netiquette. Le travail de parent nécessités du face à face en dehors des écrans. 
  • Nous apprenons les uns les autres. La recherche en neuroscience montrent que les très jeunes enfants apprennent mieux dans le dialogue. Les temps de discussion entre l’enfant et l’adulte sont cruciaux pour le développement du langage. Regarder passivement des films ne provoque des apprentissages dans le domaine du langage chez les enfants et les bébés. Plus le média suscite des interactions, plus sa valeur éducative peut être grande (par ex. un bébé qui discute par vidéo avec un parent qui est en voyage). Les opportunités optimales en matière d’éducation pour les média commencent après deux ans, lorsque le média peut jouer un rôle
  • Le contenu est important. La qualité du contenu est plus important que la plateforme ou le temps passé avec le média. Donnez des priorités dans la manière dont votre enfant passe son temps plutôt que de simplement le limiter.
  • La curation est importante. Plus de 80.000 applications sont présentées comme éducatives, mais peu de recherches ne valide leur qualité. Un produit interactif nécessite plus que des clics et des balayages [...]
  • Le co-engagement est important. La participation de la famille dans l’utilisation du média facilite les interactions sociales et les apprentissages. Jouez aux jeux vidéo avec vos enfants. Votre façon de voir influence la manière dont vos enfants comprennent ce qu’ils vivent avec le média. Pour les enfants et les bébés, l’expérience partagée autour de l’écran est essentielle.
  • Le temps de jeu est important. Le temps non structuré stimule la créativité. Donnez la priorité à des activités quotidiennes sans écrans, spécialement pour les plus petits
  • Donnez des limites. L’utilisation des média, comme toutes les activités, devrait avoir des limites raisonnables. Est ce que l’utilisation des média par votre enfant l’aident ou est ce que cela empêche sa participation à d’autres activités.
  • Les adolescents sont en ligne. Les relations en ligne font partie du développement des adolescents. Les réseaux sociaux peuvent contribuer à la formation de leur identité. Apprennez à votre adolescent à se comporter de manière appropriée en ligne de la même manière que vous lui apprenez les bonnes manières hors-ligne. Informez vous sur ce que votre adolescent fait en ligne afin de mieux comprendre les contenus auxquels ils sont confrontés ainsi que leurs contextes.
  • Créez des zones libres de média. Préservez les temps de repas. Rechargez les appareils la nuit en dehors de la chambre de votre enfant. Ces dispositions facilitent le temps partagé en famille, les bonnes habitudes familiales et le sommeil
  • Les enfants sont des enfants. Ils feront des erreurs en utilisant les média. Ces erreurs sont des occasions de faire votre travail de parent si vous les traitez avec empathie. Cependant, certaines aberrations comme les sexto ou la mise en ligne d’images d’auto-mutilations nécessitent une évaluation des conduites à risque du jeune.

Bien sûr, il est possible de ne pas être d’accord avec tout. Mais les points essentiels sont que les parents sont au centre de l’éducation de leurs enfants, que les média sont des environnements que les enfants doivent apprendre à utiliser, que le contenu et le contexte sont plus important que le temps passé devant un écran et que l’expérience partagée est essentiel. Ce changement de philosophie est plus que bienvenu. En 1999, les parents étaient transformés en policiers devant limiter les accès aux écrans de leurs enfants. Ils sont maintenant des guides et des exemples dans l’utilisation des écrans. Ils sont donc en bien meilleure position pour transmettre à leurs enfants les compétences dont auront besoin dans un monde entièrement numérisé.


SOURCE

American Academy of Pediatrics. (1999). American Academy of Pediatrics Committee on Public Education: media education. Pediatrics104, 341-343.



jeudi 4 août 2016

Sexe, télévision et adolescents : une influence moins grande qu'on ne le pense



Dans une tribune publiée dans le The Conversation, le psychologue américain Christopher FERGUSON fait par des résultats contre-intuitifs d’une recherche sur l’impact de la sexualité à la télévison sur les adolescents. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la sexualité à la télévision a peu d’effet sur les comportements des adolescents.

Jusqu’à présent, l’homme de la rue et le scientifique avaient sur cette question des vues comparables. Tous deux étaient d’accord pour pour affirmer que les adolescents étaient souvent exposés à la télévision, et que les programmes pour adolescents comportent souvent des scènes sexuelles. Tous deux étaient d’accord pour constater qu’à l’adolescence le groupe de pairs devenait de plus en plus importants pour la constitution des avis, des gout et des comportements. De ce fait, il était attendu que les images designées pour les adolescents aient un effet sur leurs comportements, et que de manière plus spécifique, les images sexualisées aient un effet sur leurs comportements sexuels




Le lien entre les comportements sexuels des adolescents et les images sexuelles a été examinée dans une nouvelle méta synthèse regroupant 22 études et 22.000 participants Le résultats montrent que le lien existe mais qu’il est faible. D’une façon générale, l'utilisation de média n’est pas corrélée avec des comportements sexuels tandis que les média sexuels sont faiblement corrélés avec le comportement sexuel une fois que les autres facteurs ont été controllés. Un média est défini comme sexuel lorsqu’il comporte des situations de nudité partielle ou totale ou des discussions explicites sur la sexualité; la pornographie est exclue de l’étude


En effet, les garçons ont tendance à regarder plus facilement des médias avec des contenus sexuels que les filles - peut être du fait de facteurs biologique, ou de la plus grande permissivité de la société vis à vis de la sexualité masculine ou des deux facteurs. La personnalité, le contexte familial sont également des facteurs pouvant influer sur l’intéret des adolescents pour les média sexuels. Lorsque ces variables sont contrôlées, alors l’effet des média sexuels sur le comportement sexuel des adolescents disparait

L’homme de la rue et l’homme de science avaient tendance à voir les relations entre les média et les comportement de manière trop directe. Le modèle sous-jacent est celui de la seringue hypodermique : le média transmet des messages (idées, informations, croyances) qui sont agis par le public. En d’autres termes, le média est comme une drogue injecté dans le corps du public. Une fois “consommée”, cette “drogue” a des effets immédiat, identiques pour tous, directs et mesurables. 

L’étude de FERGUSON et al. montre qu’il en est rien. Les individus ne sont pas des récepteurs passifs et leurs comportements ne sont pas “déclenchés” par les images qu’ils voient. L’important est moins le média que la manière dont les sujet le traitent. Autrement dit, ce qu’il faut considérer, c’est la relation que la personne établit avec le média

Cette relation se construit dans un contexte. Les média auront un rôle plus important pour un adolescent qui a déserté les relations avec ses  parents que pour un adolescent qui garde encore des relations avec ses parents parce que le premier trouvera dans les média les réponses aux questions données par les parents du second. Finalement, les média n’ont que la force que l’absence de parole des parents leur donne.

Les adolescents sont d’autant plus tenté de prendre des modèles dans les médias qu’ils ne trouvent pas auprès de leurs parents et de leurs familles les questions légitimes qu’ils se posent à propos de la sexualité ou de l’amour. Finalement, plus les média sont présents dans la vie des adolescents, plus le rôle des parents est important





SOURCE Ferguson, C. J., Nielsen, R. K., & Markey, P. M. (2016). Does Sexy Media Promote Teen Sex? A Meta-Analytic and Methodological Review. Psychiatric Quarterly, 1-10.

dimanche 31 juillet 2016

Pokémon GO dans le cadre de l'éducation spécialisée


Pokémon Go est un jeu vidéo en Réalité Augmenté édité par Niantic. Il est jouable avec un smartphone qui vibre lorsque le joueur est à proximité d’un Pokémon sauvage. Celui ci apparait en surimpression sur l’espace réel dans l’appareil photographique du smartphone. Le Pokémon peut être capuré avec une Pokéball afin d’être entraînés pour combattre dans des arènes. Les points d’expérience qui permettent de progresser dans le jeu sont gagnés lorsque le joueur se déplace dans la réalité. 


Le phénomène est encore trop récent pour avoir des recherches sur l’utilisation de Pokémon Go dans le cadre de l’éducation spécialisée, mais certaines histoires sont suffisament explicites pour retenir l’attention des personnes qui s’occupent d’enfants qui ont des besoins spécifiques. Leonore KOPPELMAN a ainsi raconté comment le jeu Pokémon Go a facilité les sorties à l’extérieur de fils autiste Ralph et les interactions avec de parfaits inconnus. Si l’on garde à l’esprit que l’autisme est un trouble grave de la communication et que les interactions sociales sont un élément essentiel du développement de l’enfant, on comprend aisément l’importance de ce changement. 

D’autres enfants pris en charge dans le secteur de l’éducation spécialisé n’ont pas des difficultés à communiquer mais des difficultés à apprendre. Tous les enfants aiment apprendre et tous les enfants n’aiment pas les blessures narcissiques que les difficultés à apprendre provoquent. Ne pas apprendre, c’est sentir douloureusement une limite à son désir d’être compétent. C’est aussi se vivre différent des enfants de son âge. Pour ces enfants, un jeu comme Pokémon Go est une aubaine à ne pas manquer parce qu’il permet d’effectuer des apprentissages critiques dans le contexte sércure du jeu.


Le jeu Pokémon Go n’est que la partie émergée de l’iceberg. Utilisé habillement, il permet de développer des compétences essentielles comment les compétences sociales, le calcul, la lecture, la capacité à s’orienter et des compétences 

  • Les compétences sociales
Les enfants qui ont des troubles du développement sont ostracisés par la majorité de leurs pairs. Cette mise à l’écart est une double peine car les échanges sociaux offrent aux enfants un contexte dans lequel leurs apprentissages prennent sens et forme. Les interactions construites durant l’enfance déterminent les interactions que la personne aura à l’âge adulte. Ils donc essentiel que ces interactions soient le plus riche et le plus nombreuses possibles. 

Les enfants se font généralement des amis avec des activité comme les jeux de ballon. Pour ceux qui craignent le contact, ou qui sont trop malhabiles, un jeu vidéo comme Pokémon GO est extrêmement utile. L’habibilité motrice requise est minimale et les combats n’impliquent pas de contacts. De plus, les chasseurs de Pokémon GO sont des êtres extrêmement sociaux. Ils adorent parler de leur dernière capture, montrer leur journal de bord ou donner des conseils. Pour les enfants, cela abaisse considérablement le ticket 

  • L’image de soi
Le jeu commence avec la création d’un personnage. Le joueur choisi le sexe, la couleur des cheveux et quelques détails vestimentaires. Même si le choix est limité - pour l’instant, il n’est pas possible d’être noir - la discussion autour de la création du personnage est un moment de travail intéressant car il permet de s’approcher de l’image de soi que l’enfant souhaite projeter

  • Le langage
Le but de Pokémon GO est d’attraper des créatures au nom et à l’apparence exotique. Il est facile d’encourager l’enfance à décrire ce qu’il voit à l’écran. Les noms des Pokémons peuvent être compliqués a lire. Pour les enfants en délicatesse avec l’écrit, la bonne lecture des noms des Pokémons est un challenge à ne pas manquer ! Les parties de chasse sont ainsi un moyen agréable d’acquérir du vocabulaire et de s’entrainer à la lecture


Pour devenir le plus grand dresseur de Pokémon, il faut au moins savoir lire et compter. La lecture permet d’identifier les Pokémons et leurs capacités. Il n’y a rien qui ressemble plus a un DuoDuo qu’un autre DuoDuo mais un DuoDuo PC 45 ce n’est pas la même chose qu’un Duoduo PC 117. L’enfant ne peut pas se fier à sa seule mémoire visuelle car finalement seule la lecture permet de différencier deux Pokémons qui sont identiques.

La lecture sera aussi nécessaire pour lire sur Internet les conseils destinés aux Dresseurs de Pokémon. L’enfant devra avoir une lecture critique, car tous les conseils n’ont pas la même valeur. Il devra analyser si le conseil A est bon et s’il mérite d’être suivi. Il devra décider s’il accepte de donner de son temps pour suivre le conseil A plutôt que le conseil B, C, D… 
  • Les nombres et le calcul
De la même façon, le sens du nombre et la maitrise de la soustraction et de l’addition sont nécessaires à tous les dresseurs. Qui connait les nombres n’engagera pas un combat contre un Ronflex qui a 1680 Points de Combat avec un Rattata qui a 60 Points de Combat. La maitrise des opérations doit être suffisante pour résister au stress. Une fois que le combat a commencé, l’enfant doit rester suffisament calme pour pouvoir faire les soustractions qui lui permettent de suivre l’évolution du combat. Capacités à s’orienter dans la ville


  • La mémoire long terme et la mémoire court terme

Le joueur de Pokémon s’appuie sur ses connaissances pour évaluer la valeur de ses captures et mener ses combats. Avant les combats, le joueur s’appuie sur sa mémoire à long terme pour développer une stratégie. Par exemple, un Pokémon Herbe comme Bulbizarre double ses points de dommage sur les Pokémon Herbe. En mémorisant quels sont les forces et les faiblesses des Pokémon, les joueurs optimisent leurs chances de remporter des victoires. Une fois le combat commencé, le joueur s’appuie sur un autre type de mémoire. Le plus important est maintenant de mettre a jour régulièrement le tableau des actions et de leurs résultats, c’est pourquoi la mémoire de travail est davantage sollicité





  • Les compétences numériques
Dans un monde ou le numérique s’infiltre dans lous les recoins, la littératie numérique est devenue une nécessité. La litératie numérique peut être définie comme la capacité à lire, produire, et comprendre les documents diffusés sur le réseau. Les activités autour du jeu Pokémon GO permettent de développer la littératie numérique car au delà du jeu, l’enfant doit apprendre à développer des capacités de jugement des informations qui lui sont présentées. Il doit aller chercher d’autres informations sur Internet et les évaluer. La capacité à rejoindre les communautés d’intéret sur Internet est aussi essentielle car ce sont elles qui produisent et diffusent les connaissances nécessaires à l’avancée dans le jeu. Enfin, l’enfant doit s’appropier les codes qui déterminent ce qui est acceptable et ce qui est interdit dans l’espace du jeu




vendredi 29 juillet 2016

Conseils d'un psychologue à des parents de jeunes dresseurs de Pokemon


Votre enfant joue à Pokémon Go, le dernier jeu (vidéo) phénomène ? Que faut-il en penser ? Comment faire son travail de parent avec Pokémon Go ? Quel est l'intéret de ce jeu ? Depuis quelques jours, je subis la folie Pokémon de plein fouet. Des parents inquiets me demandent conseil. Je suis sollicité par les journalistes qui me posent les même question. Tout cela a un impact négatif sur ma progression dans le jeu. Aussi ai-je décidé de mettre en ligne les questions qui me sont le plus fréquemment possées 




Existe-il un risque de confusion entre le jeu et la réalité ?

Non. La différence la réalité tangible et les image est faite très précocement. Cette capacité peut être altérée dans les troubles psychiatriques comme la psychose ou le syndrome de stress post traumatique. Dans le premier cas, les images visuelles, sonores ou cénesthésiques de la personne s’imposent avec tellement de force que la personne les perçoit comme si elles venaient du monde extérieur. Dans le second cas, le traumatisme a été tellement violent que la personne n’arrive plus à séparer le monde interne de ses images, pensées et émotions et le monde externe de ses perception. Aucun jeu vidéo n’a une force suffisante pour faire une telle confusion. 



Existe-t-il un risque d’addiction ?

Non. L’addiction aux jeux vidéo est une notion de la psychologie populaire. Elle n’existe pas pour les psychiatres ou les psychologues parce que une vingtaine d’années d’études n’est pas arrivée à produire 1) une définition consensuelle de ce que serait une addiction aux jeux vidéo; 2) un instrument de mesure valide de l’addiction aux jeux vidéo; 3) l’absence de syndrome de manque font que l’addiction aux jeux vidéo n’est dans aucune classification internationale des maladies mentales. 




Existe-t-il un risque de jeu excessif

Oui. Certains joueurs peuvent jouer excessivement. Mais d’une part l’excès est généralement temporaire et d’autre part il est le plus souvent le signe d’un investissement passionnel. Les excès s’observent lgénéralement quand le joueur découvre le jeu puis le temps de jeu décroit peu à peu. Certains joueurs abandonnent du jour au lendemain un jeu vidéo... pour se passionner pour un nouveau titre. La passion qui entoure le jeu facilite les apprentissages requis pour maitriser le jeu. Elle est aussi à l’origine des apprentissages collatéraux qui sont faits autour du jeu


Jouer à Pokémon Go n’est ce pas futile ?
Très certainement. D’une façon générale lorsque l’on observe des joueurs sans participer soi même au jeu, les comportement semblent toujours excessifs ou futiles. Les drames plus ou moins joués qui accompagnent les parties de belotte, la fierté lorsque l’on achète la Rue de la Paix au Monopoly et le plaisir de capturer un nième Nosferapti sont futiles pour qui ne joue pas aux cartes, au Monopoly ou à Pokémon Go. L’intéret du jeu n’est véritablement accessible qu’au personnes qui ont eu l’expérience du jeu


Comment accompagner les enfants pour leurs parties de Pokémon Go
Il y a deux types de parties de chasse de Pokémons. Les premières sont celles qui sont faites à la volée. A l’occasion des courses ou d’une quelconque sortie, l’enfant attrape quelques Pokémon. Cela lui permettra de mieux supporter la corvée des courses mais c’est gâcher le véritable intérêt d’une partie de Pokémon qui comporte toujours trois temps distinct

Le premier temps est celui de la préparation. Avec l’aide des parents, l’enfant prépare la future chasse en se donnant des objectifs. Cela permet au parent de voir si l’enfant est capable de se projeter dans le futur, de se donner des objectifs et si ces objectifs sont réalistes. Un bon objectif est spécifique, mesurable, accessibles, réaliste, et cadré dans le temps. Dire “je vais attraper plein de Pokémon légendaires” est une formulation trop vague. Dire “je vais attraper Newtwo” est moins vague, mais trop irréaliste. “Je vais attraper 3 Rattata en une demi-heure en faisant le tour de paté de maison” ou “je vais gagner “1500 points d’expérience en une demi heure en allant au Pokéstop qui est à l’Hotel de ville” sont des objectifs spécifiques, mesurables, accessibles, réalistes et cadrés dans le temps


Le second temps est celui de la chasse elle même. L’enfant se déplace dans l’espace public avec l’espoir que le vibreur du téléphone lui indique qu’un Pokémon est à proximité. 

Le troisième temps est celui du debrief . C’est le moment ou l’on compare ce qui était prévu et ce qui a été réalisé. Si les objectifs ne sont pas réalisés, ce n’est pas grave puisque Pokémon Go n’est un jeu. L’enfant n’a pas eu de chance et il fera sans doute mieux la prochaine fois. Lorsqu’ils sont atteints, c’est le moment de féliciter l’enfant et d’apprécier ses fanfaronade



A quel âge peut-on jouer à Pokémon Go
Pokémon Go est classé PEGI 3 ce qui signifie que le jeu est recommandé pour tous les ages parce qu’il ne comporte pas de langage grossier, de sons ou d’images susceptibles d’effrayer de jeunes enfants. Cependant, seuls les enfants plus âgés pourront en tirer véritablement une expérience intéressante. Les enfants les plus jeunes joueront bien évidement sous la supervision d'un adulte. Pour les plus vieux, c'est l'occasion de s'exercer à l'autonomie grace à des règles claires données par les parents : ou jouer, comment jouer et pendant combien de temps.



Quel est l’intéret de Pokémon Go
Le jeu Pokémon Go est fun parce qu’il satisfait des besoins fondamentaux : la compétence, l’autonomie, la relation et l’évasion. La compétence correspond au besoin de vaincre des challenges, qu’il s’agisse d’apprendre à faire du vélo, à lire ou capturer des Pokémon. L’autonomie correspond au désir intérieur d’agir de notre propre volonté et le besoin de relation correspond au besoin d’avoir des liens authentique avec d’autres. Enfin, le besoin d’évasion correspond au besoin d’imaginer les choses différemment de ce qu’elles sont

Avec Pokémon Go, le challenge est donné par la chasse aux Pokémon, aux combats dans les arènes, ou encore le niveau du personnage. A chaque instant du jeu, le joueur sait ou il en est de sa progression, ce qui lui permet de mesurer les efforts effectués, ceux qui restent à faire et de se comparer aux autres joueur. 



Chaque joueur choisit librement son parcours. Il est possible de donner une préférence aux Pokémon de type Vol, de décider de capturer le plus de pokémon dans le moins de temps possible ou encore d’éviter les arènes. La compétence va être mesurée avec des éléments comme le niveau du personnage, des Pokémon, la distance parcourue ou le nombre de combats remportés




Le fait de partager la même activité dans un contexte de plaisir fait de Pokémon Go un excellent facilitateur social. Il est toujours plus facile de créer et de maintenir des liens avec un jeu. 




Enfin, la composante Evasion de Pokémon Go tient dans le fait que ce n’est pas tous les jours que l’on peut capturer un Roucool ou un Duoduo. Les Pokemon sont des monstres que l’on met dans sa poche.

Pokémon Go n’est pas si différent d’une simple partie de belotte. Il est possible de jouer au Tarot pour le plaisir d’être le meilleur joueur de cartes. D’autres aiment plaisanter et se diputer parce que le partenaire n’a pas joué la bonne carte. Enfin, les parties sont une bonne façon de s’évader des tracas du quotidien


Pokémon Go aide à lire et à compter
Pour les parents, le meilleur âge pour jouer à Pokémon est sans doute autour de 6-7 ans parce que à cet âge l’enfant commence à lire et à écrire. Les parents peuvent donc l’encourager à lire les instructions du jeu. Les noms compliqués des Pokémons ne doivent pas être évité. Les lire permet tout d’abord de s’entrainer à la lecture. Mais les noms des Pokémons sont aussi intéressants parce qu’ils sont plein de poésie. 

Pour bien jouer aux Pokémon, il faut avoir une notion de la grandeur des nombres. Cela s’apprend à l’école, mais surtout dans des interactions ou le chiffre immédiatement un sens. Ils est possible d’aider l’enfant à construire ce sens du nombre en commentant pour lui les chiffres des Pokémon : “Ce Ratatta a 90 PC ce qui est bien plus que celui de tout à l’heure qui n’en avait que 72” ou “Cet oeuf doit incuber avec une marche de 2 km ce qui est bien plus petit que celui là qui demande une marche de 5 km”

Il est possible d’inventer de nouveaux Pokémons en faisant une fiche comme dans le jeu. Avec l’aide de ses parents, l’enfant invente un nom de Pokémon, le décrit brièvement en quelques mots, lui donne des points de combats et lui assigne un type


Pokémon Go aide à découvrir la géographie et l'histoire du quartier et de la ville 
Les Pokéstop sont des zones dans lesquelles les joueurs peuvent récupérer gratuitement des objets utiles dans le jeu. Ils sont placés à des points importants ou particuliers de la ville comme des statues ou des bâtiments publics.

Le temps de préparation des parties de chasse aide l’enfant à construire une représentation de la géographie de son quartier, de sa ville, de son pays. L’enfant est ainsi sensibilisé à l’échelle des distance puisque certains Pokéstop sont immédiatement accessibles tandis que d’autres sont trop lointains.

Les Pokéstop sont aussi une occasion de plonger dans l’histoire de la ville. Par exemple, la ville de Bordeaux est entourée d’un boulevard qui est percé de “barrières” qui permettent d’entrer et de sortir de Bordeaux. Un Pokestop situé sur une de ces barrières s’appelle “Maison d’octroi”. Quel enfant peut résister à une telle incitation à la rêverie ? Car avec les maison d’octroi, c’est tout le fonctionnement de la ville, de l’état, des impots et bien évidement de la contrebande qui attendent d’être transmis à l’enfant 

jeudi 14 juillet 2016

Psychologie de Pokémon Go



PRÉPAREZ VOUS ! Après avoir déferlé en Australie et aux USA, la vague Pokemon Go arrive en Europe.

Le jeu est un phénomène curieux. Tout le monde s’accorde à dire qu'il s'agit d'une activité aussi futile que nécessaire. Le jeu Pokémon Go ne déroge pas à la règle car s'il est évidemment futile de chercher à capturer des Pokémon il faut aussi reconnaître que ce jeu devait nécessairement exister. Qui n'a pas rêvé de posséder un Pokémon ? En attendant que la biologie nous fabrique ces créatures extraordinaire, le numérique nous les apporte dans la réalité tangible..

Pokémon est un univers inventé par le japonais Satoshi Tajiri. Décliné en manga, en anime et en jeux vidéo, sa figure iconique Pikachu est connue dans le monde entier. Récemment, grâce à la réalité augmentée, les joueurs peuvent chasser et capturer leurs Pokémons dans la réalité physique.Le jeu vidéo Pokémon go a déjà dépassé Tinder en termes des utilisateurs, ce qui laisse penser qu’il y a plus d’amoureux de Pokémons que de personnes cherchant des relations sexuelles rapides. . 


Les raisons du succès de Pokémon Go

Pokémon Go remporte un tel succès parce qu’il appuie sur des boutons simples. Ramasser et collectionner à été dans l'histoire ancienne de l'humanité une compétence vitale. Pour les chasseurs cueilleurs, trouver les ressources nécessaires et les ramener au campement pour les partager avec les autres était une nécessité qui assurait la survie du groupe. Cette compétence est devenue moins importante avec l’invention de l’agriculture mais on en trouve des traces dans les cultures enfantines. Tous les enfants du monde aiment ramasser et collectionner de petits objets. Ils sont des collectionneurs avides de cailloux, de bâtons de plumes d’oiseaux, figurines Légo mais aussi de mots et des attitudes glanées sur leurs parents. Ce qui était nécessaire au niveau de la survie de l’espèce l’est aussi au niveau du développement des personnes. Collectionner implique la mise en oeuvre de processus cognitifs puisque l’enfant doit identifier les bons objets, les catégoriser et les hiérarchiser. Bien évidement, la collection n’est pas seulement un comportement du temps de l’enfance . Des adultes font une place aux plaisir de la collection en amassant des tableaux, des affiches de cinéma ou des conquêtes amoureuses. Certains adultes développent une passion pour la collection de timbres, de tableaux d'affiches de cinéma ou les conquêtes amoureuses


Comme tous les jeux Pokémon, Pokémon Go peut compter sur un effet Madeleine de Proust. Une grande majorité des adultes occidentaux de moins de trente ans ont grandi avec Sacha le dresseur de Pokémon. Pour eux, allumer un jeu Pokémon, c’est presque instantanément se retrouver petit enfant dans un contexte de plaisir et de jeu. Pour un enfant, les jeux sont des modèles réduits dans lesquels ils peuvent approcher, tester et s’approprier la complexité du monde des adultes. Avec les jeux Pokémon, l’enfant est dans le rôle de celui qui prend en charge un plus petit. Il veille à son développement en lui donnant des points d’expérience. Comme dresseur, il est content ou mécontent du comportement de son Pokémon tout comme un parent est satisfait ou pas des résultats scolaires de son enfant. De la même façon, il doit répartir son attention entre tous ses Pokémons tout comme un parent doit distribuer son amour à tous les enfants. Le développement du Pokémon évoque celui de l’enfant, mais dans un contexte bien plus simple : a chaque arène correspond un boss à battre qui ouvre sur une nouvelle phase d’exploration et de recherche d’arènes.

Le dernier élément à prendre en compte pour comprendre le succès des Pokémon comporte notre vie intérieure. L’existence n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est une longue succession de conflits entre des désirs conscients et inconscients et ce qu’il est possible de faire. Les conflits ne concernent pas uniquement l’opposition entre la réalité interne et la réalité externe. Au sein de la réalité, des conflits peuvent naître entre plusieurs désirs. Si certains conflits trouvent une issue heureuse, d’autres deviennent de points de fixation qui gênent l’évolution personnelle. Celle ci ne peut être reprise que lorsque une solution est trouvée au conflit. Les Pokémon sont des objets avec lesquels chacun peut joueur ou rejouer ses conflits les plus personnels. Par exemple,capturer Nioutwo peut traduire une ancienne envie qui est encore dévorante parce qu’elle n’a été ni reconnue ni satisfaite. D'autre joueurs sont plus attaché à l'aspect du Pokémon car ils symbolisent des attitudes psychiques. Pour certains, être embrasé ou electrisé par une émotion peut être une chose difficile parce qu’ils craignent d’être débordé par la situation. Pour d’autres au contraire, le problème vient du fait qu’ils ne connaissent qu’une émotion avec laquelle ils réagissent à toutes les situations. Les Pokémons Feu et Electrique, parce qu’ils seront recherchés ou craints traduiront ces situations dans le jeu.


Pokémon Go une plateforme pour cultiver les compétences du 21e siècle

Avec le Jeu Pokémon Go, les joueurs ne font pas que capturer des Bulbizarre et des Pikachu. Les jeux accompagnent toujours des faits culturels majeurs. Avec le 1000 Bornes, les joueurs s’initiaient à la culture de l’automobile. Dans le jeu comme dans la réalité, la vitesse et la violence étaient des valeurs positives. Le Monopoly a joué le même rôle pour le capitalisme et la spéculation immobilère tandis que Risk est un jeu sur la colonisation.

Si Pokémon Go suscite tant d'intérêt, ce n’est pas uniquement parce qu’il s’appuie sur des éléments sélectionnés par l’évolution de l’espèce ou qu’il permet de mettre en jeu des conflits qui n’ont pas trouvé une résolution satisfaite. Le jeu Pokémon Go est un succès parce qu’il est une plate-forme pour cultiver les compétences du 21e siècle. 

Lorsque les éducateurs ont pris conscience de la révolution numérique, ils ont établit une carte des compétences qu’elle rend nécessaire. De la même façon que la diffusion de l’imprimerie a rendu nécessaire des compétences en lecture et en écriture, la numérisation de la culture nécessite de chacun la maîtrise de nouvelles compétences. La maîtrise de l’information, des média, des communication, de la pensée critique sont des éléments essentiels pour vivre dans un monde numérisé. 

Ce sont ces compétences que le jeu Pokémon Go met en jeu. Les joueurs doivent en effet gérer l'information qu'ils reçoivent de différentes sources. Ils doivent savoir se servir des outils numériques (smartphones, géo-localisation), communiquer avec les autres joueurs, exercer leur raison critique, faire preuve de créativité, avoir une flexibilité suffisante pour prendre en compte différentes perspectives, travailler en équipe, savoir travailler seul et être conscient des choix de la communauté. Le fait que tout cela se passe dans un jeu n’empêche pas la formation de compétences bien réelles. Au contraire, les circuits d’apprentissage dans les jeux sont plus courts que dans la réalité parce que les feedback y sont plus rapides. Le joueurs découvre rapidement les conséquences de ses choix. Il est également intrinsèquement motivé, ce qui l’amène à être plus concentré et plus attentif habituellement. 



SOURCES 

Schrier, K. (2006). Using augmented reality games to teach 21st century skills. Paper presented at the ACM SIGGRAPH 2006 Conference, Boston


mercredi 30 mars 2016

Un mauvais traitement de la folie dans les jeux vidéo



Extralife.fr a consacré un billet sur les représentations de la folie dans les jeux vidéo. Le texte est signé de Alexandre Bonhomme Deveycx pour qui les représentations des maladies mentales dans les jeux vidéo sont trop imprécises. Malheureusement, c'est aussi la critique que l'on peut faire à son billet.

Voila un sujet passionnant - les représentations de la folie dans les jeux vidéo - qui est traité trop rapidement et avec trop approximations. La thèse de l'auteur est double 1) les représentations de la folie dans les jeux vidéo sont fausses 2) parce que qu'elle appuient sur la classification américaine des maladies mentale plutôt que la classification européenne.  Il en découle que la vérité psychologique des personnages en est altérée. Malheureusement, ces deux thèses sont infondées.

Le texte pêche doublement d'abord parce qu'il n'apporte pas la preuve de ce qu'il apporte et ensuite parce qu'il appuie sur une affirmation fausse.

Le Diagnostic Standard Manual de l'American Psychiatrist Association a une approche essentiellement comportementale. Le manuel décrit une série de comportements dont le regroupement correspond à un trouble. L'approche psychanalytique est différente. Elle s'appuie sur les processus psychologiques (mécanismes de défense, types de conflits, type d'angoisse) pour produire un diagnostic. Il est possible d'être psychanalyste et d'utiliser le DSM. C'est d'ailleurs ce que font la grande majorité des psychanalystes dans le monde. Il est également tout à fait possible d'être Français, donc Européen, et utiliser le DSM. La Haute Autorité de la Santé qui évalue les pratiques professionnelles et l'organisation des soins s'appuie régulièrement sur le DSM dans ses avis et ses recommandations

Pour être tout a fait complet, je précise que la France a développé sa propre classification avec la Classification des Troubles Mentaux des Enfants et des Adolescents. Les psychologues français utilisent également la Classification Internationale des Maladies Mentales dont le Chapitre 10 est consacré aux maladies mentales. Les psychanalystes allemands ont développé un système de classification appelé le Diagnostic Psychodynamique Opérationalisé

Pour un psychologue, il est tout à fait possible de faire un diagnostic des différents personnages des jeux vidéo. La limite de l'exercice à l'épaisseur narrative du jeu. Plus le jeu donne des détails sur l'histoire du personnage, sur la manière dont il réagit aux situation, sur les relations qu'il maintient avec les autres, plus le diagnostic est aisé. En ce qui concerne Max Payne, le Trouble Psychotique induit par une substance est établit du fait 1) de la présence d'hallucinations; B) les hallucinations suivent l'administration du produit et le produit est susceptible de provoquer des hallucinations; C) le trouble n'est pas mieux expliqué par un trouble psychotique qui ne serait pas lié à une substance et D) il ne s'agit pas d'un delirium

Le point C pourrait être discuté. Il est en effet possible que la perte de l'épouse et de la fille de Max Payne et la vie dangereuse qu'il mène soit suffisamment riche en stresseurs pour provoquer des troubles aussi graves qu'une psychose. La discussion portera alors sur les antécédents

Je ne veux pas reprendre tous les personnages donnés dans le billet mais juste attirer l'attention sur le fait qu'il est inexact de dire qu'aucun diagnostic ne peut être posé a propos d’un personnage de jeu vidéo. Les limites de l’exercice tiennent juste dans la quantité de données accessibles. Plus le jeu est riche en détail, plus la narration du personnage est développée, plus il sera facile d’établir un diagnostic. Celui ci pourra  être donné avec le DSM, la CIM, la CFTMEA ou l’OCD

Dire que les représentations de la folie dans les jeux vidéo sont fausses c'est mal connaitre le fonctionnement des classifications des maladies mentales. Il n'y pas une "vraie" maladie mentale qui pourrait servir de modèle mais des représentations qui évoluent avec les connaissances qui sont peu à peu établies à propos de la maladie mentale considérée. C'est d'ailleurs du fait de ces représentations qu'il y a plusieurs classifications et des conflits entre les classifications et à l'intérieur d'une classification.

Dire que les concepteurs de jeux vidéo ne sont pas au fait des classifications des maladies mentales et des problèmes qu'elles posent est une assertion non fondée. Qu'apporterait donc des connaissances en psychopathologie pour le plaisir de jouer à  un jeu vidéo ?

Au final, le billet rate une occasion de traiter sérieusement le domaine passionnant des représentations de la folie dans les jeux vidéo par manque de connaissance

vendredi 25 mars 2016

L’utilisation intensive des réseaux sociaux est liée à la dépression

Une nouvelle recherche publiée dans le journal Depression and Anxiety  montre le lien entre la dépression et l’utilisation des réseaux sociaux.

La recherche menée par LY et al.  est différente des précédentes par la taille de l’échantillon et par le fait qu’elle a pris en compte différentes plateformes sociales. 1.787 personnes âgées entre 19 et 32 ans ont répondu à des questionnaires pour évaluer leurs utilisations des principaux média sociaux  Facebook, YouTube, Twitter, Google Plus, Instagram, Snapchat, Reddit, Tumblr, Pinterest, Vine et Linkedin.

Sur le plan des usages, les données vont dans le sens de publications précédentes. Les participants utilisent les média sociaux 61 minutes par jours et visitent leurs comptes sociaux une trentaine de fois par semaine. Un quart des personnes questionnées ont des indicateurs de dépression

L’étude montre que la dépression et les média sociaux existe que l’on prenne en compte le temps passé ou la fréquence des visites. Par exemple, la probabilité d’une dépression est 2,7 fois plus élevée chez ceux qui vérifient le plus souvent leurs comptes sociaux que ceux qui les vérifient le moins souvent. Le risque est 1.7 fois plus élevé chez ceux qui passent le plus de temps  comparé à ceux qui passent le moins de temps sur les réseaux sociaux

La méthodologie utilisée ne permet pas de déterminer le sens de la causalité. Il est possible que les personnes les plus déprimées aient davantage tendance à passer du temps sur les média sociaux que les autres.

Il s’agit d’une sorte de retour aux sources. Dans l’article ou elle appelle la communauté des psychologues à porter son attention sur ce qu’elle a appelé “l’addiction à l’Internet”, Kimberley YOUNG notait déjà que les utilisateurs les plus importants en termes de temps présentaient des traits dépressifs. Le traitement de la dépression faisait disparaître la fréquentation excessive de  l’Internet.




Ce résultat est important car il peut aider à une meilleure détection des personnes déprimées. Lorsque dans les entretiens préliminaires, une personne fait état d’un temps important passé sur les réseaux sociaux, le psychologue doit faire une évaluation plus précise. Les réseaux sociaux font partie de notre quotidien. Il est important que le psychologue fasse la différence entre un usage dont la fonction première est l’information ou la détente et celui qui sert à masquer une dépression. Une évaluation de l’utilisation des média sociaux doit faire partie de la routine de la consultation psychologique.





SOURCES

Lin, LY et al. "Association between social media use and depression amoung young adults." Depression and anxiety (2016).

Young, Kimberly S. "Internet addiction: The emergence of a new clinical disorder." CyberPsychology & Behavior 1.3 (1998): 237-244.





jeudi 24 mars 2016

Les gameuses sont très affectées par les agressions sexistes



Les parties de jeu vidéo en ligne peuvent être l'occasion d'échanges agressifs entre les joueurs.  Alors que les femmes peuvent généralement faire avec la plupart de ces inconduites,  elles sont très sensibles aux agressions sexuelles

Ce résultat vient d'un sondage portant sur 293 joueuses de jeux vidéo dont les résultats ont été publiés dans la revue New Media & Society. L’âge moyen des joueuses est de 26 ans et les jeux les plus fréquemment cités sont World of Warcraft, Team Fortress 2 et Defense of the Ancients. Les questions portaient sur agressions en ligne, la manière dont les éditeurs de jeu vidéo traitement la question, et la façon dont elles y faisaient face

Dans  certains jeux vidéo,  une certaine dose d'agressivité et de vulgarité semble être une norme pour des joueurs.  C'est par exemple le cas pour League Of Legend ou les insultes peuvent pleuvoir des les premieres minutes de jeu même entre alliés.  

Lorsque une joueuse est dans la partie,  les agressions prennent un caractère sexiste.  Les joueuses sont sollicitées sexuellement voire même menacées de viol. Alors qu’elles arrivent à mettre de côté les insultes qui concernent directement le jeu,  les agressions sexuelles résonnent longtemps après que la partie soit terminée. Les mécanismes utilisés pour faire face aux agressions sont très divers. Il vont de l’évitement au déni en passant la culpabilité et la recherche d’aide. Le masquage de leur féminité est une méthode qui peut être utilisé. Les femmes utilisent alors des pseudonymes neutres et évitent le chat vocal. Ainsi, les agressions sexuelles conduisent à une raréfaction de la présence féminine dans les jeux vidéo


La recherche présente un biais de sélection assez évident. Les sujets ont été recrutés par des annonces sur des forums,  des blogs ou des réseaux sociaux.  Il est donc très probable que ce dont les personnes les plus sensibilisés au problème qui ont répondu au questionnaire.


L'étude reste cependant intéressante parce qu'elle traite d'une question importante et parce qu'elle amène de nouvelles questions de recherche : quels sont les mécanismes de coping les plus fréquemment utilisés pour faire face aux agressions sexuelles en ligne ? Existe-t-il des mécanismes de coping spécifiques aux jeux en ligne ?


Avez vous cette expérience ? Avez-vous été témoin d'agressions sexistes ou de violences sexuelles en ligne à l'encontre de femmes ?




SOURCE
Tang, Wai Yen, and Jesse Fox. "Men's harassment behavior in online video games: personality traits and game factors." Aggressive behavior (2016).