mardi 23 août 2016

Comment élever un digiborigène heureux ?


Alors que les écrans deviennent de plus en plus nombreux et de plus en plus présents dans nos vies, les enfants passent de plus en plus de temps à se divertir et s’informer en leur compagnie. Pour beaucoup de parents, cette situation est un facteur de stress car les jeux vidéo sont présentés de manières contrastées. Pour les uns, ils sont préjudiciables au développement de l’enfant parce qu’ils nuisent à son attention ou qu’ils favorisent les comportements inadaptés. Pour les autres, les jeux vidéo sont des moteurs du développement des enfants en leur permettant de faire des apprentissages cognitifs, sociaux et émotionnels.


Que les écrans soient des éléments favorables ou défavorables au développement des enfants dépend en premier lieu des parents. Ce sont en effet eux qui mettent les jeux vidéo au devant des enfants. Ce sont eux qui organisent l’expérience de jeu de l’enfant. J’ai classé les conseils en fonction de trois périodes de la vie des enfants. Comme tout découpage, celui ci comporte une part d’arbitraire. J’ai choisi les périodes 3-6 ans, 7-12 ans et 13 ans et plus parce qu’elles correspondent grosso modo à la maternelle, au primaire et à l’adolescence. Il n’y a pas de conseil pour les enfants de moins de trois ans pour plusieurs raisons. A cette période, le meilleur jeu vidéo, ce sont les parents. Dans ce moment de développement, les enfants ont un besoin vital (ce n’est pas une image) d’interactions avec un être humain attentif à leurs besoins. Dans ce contexte, les jeux vidéo n’ont aucun intérêt. 


Pour tous les enfants et pour tous les ages, le rôle des parents est déterminant. Ce sont eux qui par leur intérêt et leurs questions peuvent amener l’enfant à comprendre véritablement son expérience. Partager l’expérience vidéo-ludique avec l’enfant est la voie royale. Elle permet au parent de saisir les difficultés auxquelles l’enfant est confronté puis de lui donner les moyens de les résoudre. Plus l’enfant est petit, plus il a besoin de l’assistance des parents. Aucun enfant ne sait jouer aux jeux vidéo à trois ans même s’il peut en donner l’illusion en poussant quelques boutons au bon moment. A six ans, la maîtrise de lecture est une difficulté insurmontable dans certains jeux qui peut être surmontée grâce à l’aide d’un parent. L’enfant fera ainsi un apprentissage qui pourra être utile toute une vie : il n’est pas de difficulté qui ne puisse être surmontée avec l’aide d’un autre. Bien sûr, les exigences du quotidien peuvent rendre difficile ce temps partagé. S’il n’est pas toujours possible de jouer avec, il est toujours possible de parler de ce que l’enfant fait et vit avec les jeux vidéo. Les parents demandent bien à leur enfant comment le match de foot s’est passé, pourquoi ne le feraient ils pas avec les jeux vidéo ?


  • ENTRE 3 et 6 ANS
Entre trois et six ans, les enfants font beaucoup d’acquisitions cognitives. Les enfants les plus jeunes seront intéressés par les images et les couleurs vives des personnages. Ils ont tendance à porter davantage attention aux personnages féminins et aux personnages en mouvements. Lorsqu’ils sont plus grands, il leur est plus facile de se dégager de l’impression immédiate du jeu. Ils peuvent alors tenir compte de l’histoire de chaque personnages. Ils sont aussi plus autonomes dans les jeux parce qu’ils maîtrisent mieux le contrôleur et commencent à lire les instructions sur l’écran. 

Interrogez votre enfant sur les jeux qu’il affectionne. Qu’est ce qu’il doit faire ? A-t-il réussi à faire ce qu’il avait en tête ? Pourquoi le jeu est il fun ? A-t-il besoin d’aide ? Ces questions sont importantes parce que c’est en parlant de nos expériences que nous en devenons conscient. 

Demandez à votre enfant ce qu’il a découvert dans le jeu ou dans un nouveau niveau. Les jeux vidéo proposent de nouvelles expériences au travers de nouvelles capacités de personnages ou de nouveaux objets. Il n’est pas sur que votre enfant ait repéré toutes les possibilités offertes par le jeu 


Privilégiez les jeux ou l’enfant s’amuse. La recherche n’a pas identifié de “bons” jeux vidéo qui faciliterait les apprentissages scolaires. Par contre, il y a des éléments de preuves sur le fait que ces apprentissages se font lorsque l’enfant joue. La priorité doit donc être donnée au jeu 

Connaissez le système PEGI. L’industrie du jeu vidéo a mis en place un système de recommandation qui permet à l’acheteur potentiel d’avoir une idée du contenu du jeu. Le système PEGI permet d’éviter que les enfants soient confrontés à des contenus non appropriés à leur age 


Définissez vos propres règles. PEGI n’est pas un parent. Les enfants sont élevès par des parents qui leur transmettent des normes et des valeurs. Même si vous vous faites aider par des sites, des revues, ou le classement du jeu, c’est finalement vous, le parent, qui décidez des jeux vidéo qui sont adaptés à votre enfant. 





  • ENTRE EN 7 et 12 ans 

Pendant la préadolescence, le temps passé jouer aux jeux vidéo augmente régulièrement. Le jeu vidéo devient ainsi petit à petit leur principale activité de loisir. La situation des pré-adolecents est différente de celle des jeunes enfants. Ils ont acquis la dextérité qui leur permet de jouer seuls aux jeux vidéo. Ils connaissent la grammaire de base des gestes à effectuer dans les différents jeux. Ils commencent à avoir une culture vidéoludique qui leur permet de déclarer ce qui est bon et ce qui est mauvais à jouer. Cette culture du bon gout s’étend aux comportements dans le jeu. Leur développement cognitif leur permet de jouer à des jeux plus complexe dans lesquels il est nécessaire d’anticiper et de construire des stratégies.


Discutez avec votre enfant des jeux qu’il affectionne. Quels sont ses personnages préférés ? Quelle est leur histoire ? Se sent il proche d’un personnage en particuier ? Que cherche-t-il dans les jeux vidéo ? Aime-t-il les personnages puissants ? Ou préfère-t-il les rêveries que proposent les mondes vidéo ludique ? Certains enfants aiment les jeux vidéo parce qu’ils leur permettent de jouer avec d’autres enfants 


Connaissez les jeux auxquels votre enfant joue a la maison et chez les amis. Les jeux vidéo sont partout. Les enfants jouent chez eux mais aussi chez leurs amis. Il peut arriver qu’un enfant joue chez un ami un jeu qui est 


Discutez des stéréotypes des jeux vidéo. Les jeux vidéo sont pleins de raccourcis qui permettent de planter rapidement le décor d’une histoire. Par exemple, les filles y sont généralement belles et dévêtues tandis que les garçons sont actifs, musclés et puissamment armés. En soi les stéréotypes ne sont pas un problème tant que l’enfant est capable de les reconnaitre pour ce qu’ils sont. 


Aidez votre enfant à organiser son temps de jeu. A quelle heure l’enfant a t il prévu d’arrêter de jouer ? A quelle heure a-t-il effectivement arrêté de jouer ? Pourquoi a-t-il réussi ? Pourquoi a-t-il échoué ? L’important n’est pas que l’enfant arrête de jouer mais que petit à petit il maîtrise le sens du temps et qu’il construire les outils de raisonnement qui lui permettront d’évaluer raisonnablement son comportement. 


Intéressez-vous aux aspects sociaux du jeu. Les communautés de joueurs permettent de construire et partager des rites et des connaissances. Dans les parties, certains comportements sont attendus des joueurs en fonction du personnage qu’ils utilisent. Il est aussi attendu que chaque joueur sache le rôle qu’il doit jouer pendant la partie. Les messages sur les forums et les vidéo sur YouTube permettent aux joueurs de se former aux différents aspects du jeux. La vie sociale peut aussi apporter son lot de problèmes car certains joueurs ont des comportements inappropriés. Ouvrir la conversation sur ces aspects permet d’intervenir si l’enfant a besoin d’être aidé. 


Discutez de la fabrication des jeux vidéo. Connaître le processus de fabrication des jeux vidéo permet de mieux comprendre le travail et la créativité nécessaires à leur création. Cela peut aussi amener l’enfant à jouer avec des outils de programmation, des logiciels de retouche d’image ou de son ce qui le familiarisera avec les outils de base des mondes numériques. 


Discutez de la publicité. Quels sont les images que la publicité utilise pour donner envie d’acheter le jeu ? Le jeu comporte-t-il des publicités cachées ? Lorsque que le jeu met en avant des marques, pointez le placement produit. Evitez le jugement moral, mais montrez juste comment le marketting tente de nous influencer. 


Discutez de la violence. La violence est elle le seul moyen dont dispose le personnage pour résoudre le problème auquel il est confronté ? Dans quelles circonstances est ce que la violence est justifiée ? Inventez de nouvelles règles pour jouer avec la violence. Par exemple, dans World of Warcraft, un joueur est allé jusqu’au niveau 90 sans blesser la moindre créature. 



ENTRE 13 ans et plus

Le principal challenge au moment de l’adolescence est la constitution d’une identité stable et cohérente. Chez les adolescents cela se traduit par l’affirmation des goûts personnels, la préférence données aux relations extra-familiales et l’adhésion aux normes et codes de la culture adolescente. Si les jeux vidéo sont prisés par les jeunes adolescents, les plus vieux commencent à leur préférer les discussions sur Internet et les rencontres en face à face. Le réseau n’est pas un obstacle à ces relations intimes et amoureuses. Sur le plan cognitif les adolescents atteignent leur plein potentiel. Ils deviennent capables de raisonnements abstraits, de prendre le point de vue d’un tiers, de faire 



Discutez des jeux que votre enfant affectionne. Les jeux attirent les joueurs pour plusieurs raisons. Certains y trouvent des occasion de satisfaire leurs besoins de réalisation, d’autres de lien sociaux tandis que d’autres encore affectionnent les relations sociales qu’ils apportent. Qu’est ce qui attire votre enfant ? Veut-il être le meilleur ? Veut il s’évader ? Ou passer du bon temps avec des amis ? Arrive-t-il à satisfaire ces besoins dans et en dehors des jeux vidéo ? A t-il une bonne évaluation de ce que les jeux vidéo lui apportent ? Les jeux vidéo sont ils uniques ou peut il satisfaire ces besoins psychologiques par d’autres moyens ? 


Discutez des nouveaux jeux découverts par votre enfant. Les parents ont souvent en tête les titres que le marketting de masse réussi à imposer mais la production des jeux vidéo est aussi diverse que celle du cinéma ou de la littérature. A coté des blockbuster, il y a des jeux fait pas de petites équipes qui peuvent être formidables à jouer. Jouer uniquement les grosses productions c’est comme se contenter de lire les gros titres de la première page d’un journal. Si votre enfant est dans ce cas, il est important de lui faire découvrir les autres aspects des jeux vidéo. 


Discutez des images et des thématiques problématiques. Comme tous les média, les jeux vidéo transportent des idéologies. Pourquoi dans les First Person Shooter, l’arabe est l’ennemi à abattre depuis une dizaine d’années. Pourquoi les stéréotypes de genre sont la règle dans les grosses productions. Les joueurs rencontrent aussi dans leurs parties des dilemmnes moraux qu’il est utile de discuter. Par exemple, dans Spec Ops, le joueur doit inflitrer un groupe de terroristes. Lors d’une prise d’otage, il peut être amené à tuer des civils. Doit-il le faire ? La discussion est ici plus importante que la réponse qui par ailleurs n’est pas facile. Avec un adolescent il est possible de demander à ce que les avis donnés soient étayés par des faits pour l’amener à faire usage de la pensée critique. 


Discutez des mécaniques de monétisation. De nombreux jeux vidéo disposent d’une boutique dans laquelle il est possible d’acheter des objets virtuels. Il peut s’agit d’une monture avec laquelle le joueur va parader dans le jeu vidéo ou d’une monnaie virtuelle qui permet d’acheter des objets dans le jeu. Comment est ce que les game designers nous amènent à mettre la main au portefeuille ? Ces objets achetés augmentent ils l’expérience du jeu ? Est ce équitable par rapport aux autres joueurs d’acheter ces objets ? 


Discutez des relations en ligne. En ligne, les personnes donnent à voir le meilleur et le pire. Certains joueurs n’hésitent pas à passer plusieurs heures de leur temps pour assister des novices. D’autres passent leur temps à tenter de gacher le temps de jeu des autres. Généralement, les adolescents en ligne avec des personnes qu’ils connaissent hors ligne. Interrogez votre enfant sur son expérience sociale en ligne. 


Faites des liens entre les jeux vidéo et les autres objets de la culture. Les jeux vidéo ne tombent pas du ciel. Les créateurs des jeux vidéo sont influencés par les jeux auxquels ils ont joué, leurs lectures, ou encore les films qu’ils affectionnent. Votre enfant aime les First Person Shooter ? Faites lui lire du Tom Clancy et jouez à reconnaitres les points communs entre le dernier film d’action et les jeux vidéo. Il ne jure que par FIFA ? Donnez lui des documentaires sur le foot. Il passe son temps à conquérir le monde dans Civilisation ? Discutez des représentations des différentes nations dans le jeu. Sont elles un reflet de la réalité ? Y a t-il des biais ?



A 3, 7 ou 13 ans, le point central est bien évidement de discuter des pratiques vidéoludique avec l'enfant car hier comme aujourd'hui les enfants doivent être introduits à la culture par ceux qui les précèdent. 

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